Projet de recherche, financement RCDAV 2017–2019
Haute école d’art et de design – Genève

Réagir à l’actualité

Sur les réseaux sociaux, l’actualité fait l’objet de nombreux détournements, une façon active pour les usagers de commenter les événements avec conviction ou dérision. En 2017, des étudiants choisissent de réagir aux tensions avec la Corée du Nord.

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Sur les réseaux sociaux, l’actualité est souvent commentée en images par des visuels parodiés ou détournés. Les campagnes électorales sont, par exemple, un florilège d’inventivité, et on ne compte plus les affiches des candidats modifiées pour être tournées en dérision.

Au matin des attentats de Charlie Hebdo, le directeur artistique Joachim Roncin, crée le slogan Je suis Charlie. Ce visuel, aujourd’hui devenu une icône partagée et détournée dans le monde entier, a envahi les réseaux sociaux en l’espace d’une heure. Tour à tour, avec l’effet d’une traînée de poudre, les individus modifiaient leur photographie de profil afin d’afficher leur solidarité avec les victimes des attentats du journal. Cela a produit un effet de mise en berne généralisé, comme si chacun se trouvait détenteur d’un drapeau. L’humeur, l’enthousiasme comme la colère, les opinions politiques, sont très souvent exprimées par le détournement des images. Les usagers s’approprient ainsi le message d’origine pour l’amplifier ou en démontrer les contradictions.

À l’automne 2017, les relations entre la Corée du Nord et les États-Unis sont tendues notamment sur le sujet sensible du nucléaire. Les étudiants Nancy-Lara Millan, Maciej Czepiel et Léonard Rossi ont ainsi décidé de réagir à cette actualité en diffusant des portraits modifiés du dictateur sur la plateforme 9gag.

9gag, une plateforme et sa communauté

Moins connue que les plateformes traditionnelles, 9gag a une communauté très impliquée dans les aspects formels des publications mises en ligne.

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Créée en 2008, la plateforme 9gag comptabilise environ 200 millions de visites mensuelles et possède une communauté active et impliquée. Moins connue que Facebook ou Instagram, elle permet à tout membre enregistré de diffuser une image ou une vidéo. Cette dernière est dans un premier temps publiée sur une page qui recense les contenus les plus récents. Elle est alors soumise aux votes de la communauté. Les votes positifs maintiennent l’image ou la vidéo au sommet de la page tant qu’elle suscite de l’intérêt. Un certain nombre de votes positifs la propulse ensuite sur la page Trending, puis sur la page Hot dédiée aux publications à succès.

Les étudiants ont créé plusieurs versions du portrait de Kim Jong-Un afin de comprendre les mécaniques de l’audience. Ils ont ensuite modifié de manière graduelle les visuels et légendes en fonction des commentaires reçus. Par ces échanges, ils ont ainsi appris à mieux communiquer avec la communauté 9gag en s’emparant de ses codes pour déclencher plus de visibilité.

Kim Kardashi-Un, naissance, vie, mort et résurrection d’un mème

En réaction à l’actualité nord-coréenne, les étudiants diffusent un portrait mélangeant les portraits de Kim Jong-Un et Kim Kardashian sur la plateforme 9gag. Une image, devenue mème, qui ressurgit parfois sur Internet.

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La publication du portrait fondu entre les visages du dirigeant coréen Kim Jong-Un et celui de l’animatrice américaine Kim Kardashian a déclenché de nombreuses réactions. Le titre Kim Kardashian-Un, un jeu de mots formé avec la contraction de leurs deux noms, est un trait d’humour très apprécié sur la plateforme 9gag.

Ce portrait a été publié le 5 septembre 2017 à une heure de forte affluence. Celui-ci a rapidement obtenu un grand nombre de votes positifs et des commentaires intéressants, en particulier lorsqu’il est passé sur la page Trending. Cela nous a permis de préciser le message et d’observer l’implication de la communauté. Des internautes ont, par exemple, suggéré de modifier le jeu de mot, de Kim Kardashian-Un à Kim Kardashi-Un. Sur 9gag, la communauté est ainsi partie prenante des publications, se penchant parfois plus sur leur forme que sur leur fond.

L’image est devenue un mème, elle a ressurgi sur les réseaux sociaux plusieurs mois après. Il existe même des résurgences jusqu’à aujourd’hui. Il est néanmoins assez difficile de vérifier la filiation complète, à savoir si ces images sont des conséquences, des copies du mème d’origine ou des recréations à partir de zéro.

Chaque plateforme a ses spécificités, ses codes et ses usages. Sur 9gag, les codes humoristiques ou encore typographiques sont relativement calibrés. Les étudiants ont choisi ici de se concentrer sur une seule image, de la faire évoluer pour parvenir à entrer dans ces codes. « Les fautes » dans leur image ont suscité des commentaires et des échanges et ont contribué directement au maintien de l’image dans le haut du classement. Le travail ici a été de s’adapter à la communauté de la plateforme, les évolutions de l’image devenant le moyen de communiquer avec les usagers.